Jeune, vous vouliez initialement devenir footballeur professionnel, mais avez bifurqué vers le monde de la nuit. Pourquoi ?

Je suis rentré dans la vie active à l’âge de 16 ans. Au départ, quand mon papa est décédé, il fallait trouver des solutions pour aider ma famille, ma maman notamment. Avec mon frère, on a dû rentrer dans la vie active du jour au lendemain et j'ai dû abandonner le football… J’ai travaillé dans la restauration, en tant qu’arpenteur de bateau, j’ai fait plein de petits jobs… J’ai même essayé de développer une ligne de vêtements ! Et puis un jour, comme mes parents avaient un restaurant avec une licence IV, c’est-à-dire qui était en mesure de vendre des boissons alcoolisées, j’ai fait le rêve, exprimé tout haut, de pouvoir imaginer transformer ce lieu en boîte de nuit. C’est comme ça qu’en 1985, la Scala est née, point de départ de toute l’aventure.

Le succès a été immédiat ?

Oui ! Le plus drôle, c’est que lorsque j’ai ouvert cet endroit, je n’avais pas l’âge de rentrer en boîte de nuit, parce que je n’avais pas 18 ans…  Et pourtant, c’est moi qui refusais les gens s’ils n’avaient pas l’âge légal, s’ils n’avaient pas la tenue adéquate… ! Ça m’a permis de m’aguerrir, d'apprendre un métier, de développer cette sensibilité que j’avais pour les gens en général. Et puis surtout, quand tu es un enfant de province, quand tu grandis dans une ville comme Toulon, c’est une formidable école pour façonner ton style parce que les villes de province ne sont pas les plus simples à faire fonctionner. Il faut regorger de bonnes idées, de ressources, d’optimisme et de passion. C’est un peu tous les ingrédients qu’on a essayé de mettre dans notre parcours avec mon frère Dominique pour justement rencontrer notre public. La Scala est devenue très rapidement le club de référence de la région toulonnaise, puis de toute la côte, les gens sont venus d’Aix, de Marseille, de Cannes, de Nice…

Fort de ce succès, vous ouvrez plusieurs établissements dans les années qui suivent…

On était à Saint-Tropez et l’hiver, on faisait Courchevel, Megève, les Alpes d’Huez. On a ouvert plein d’endroits, on s’est essayé à plein de styles et puis surtout, on a travaillé pour tout le monde. Avant d’avoir notre propre endroit, on a été tour à tour DJ, directeur artistique, plein de postes qui m’ont permis, en France, aux États-Unis, en Italie, en Espagne, partout, de façonner ma culture, de mieux connaître le public et surtout de construire un carnet d'adresses… Au bout de quelques années de vie de saltimbanque, à enchaîner les saisons d’été et les saisons d’hiver, on a réussi à se poser à Paris et à y ouvrir notre propre endroit. D’abord le Bash en 1997 puis le VIP Room. Là, on a eu un succès énorme, pareil pendant les festivals de Cannes, les Grands Prix de Monaco. On a ouvert aux quatre coins du monde des franchises VIP Room aux quatre coins du monde, à Dubaï, à Saint-Barth, au Luxembourg, à New York également. Ça a été une aventure frénétique et dingue.

Selon vous, qu’est-ce qui explique le succès jamais démenti de vos soirées ?

Une dingue envie de vivre une expérience incroyable, une envie folle de donner le meilleur de soi-même artistiquement et humainement, une envie débordante de construire, de créer, de façonner. Et pour faire ce métier, il faut aimer les gens. Je dirai donc un grand amour du genre humain.

Avez-vous rencontré des difficultés au cours de ce parcours hors-norme ?

Évidemment, beaucoup. Toutes les peaux de banane et tous les coups tordus, tout ce qui fait qu’on essaie de vous écarter de votre chemin, qu’on essaie de vous faire tomber de votre place, de votre piédestal, de vous faire tomber de votre rôle. Mais ça n’a fait que renforcer notre détermination. Rien ne nous a été épargné, rien n'a été gratuit, rien ne nous a été offert. Nous n’étions ni fils ni héritiers de qui que ce soit. Et pourtant, par notre travail, notre sueur et notre détermination, on a pu connecter le monde entier et créer cette marque incroyable qu’est VIP Room. Les gens connaissent maintenant mon prénom. Ça m’a donné accès à plein d’univers artistiques incroyables. Ça m’a permis de rencontrer des gens hors du commun. Ça m’a permis de vivre une vie que je n’aurais même pas imaginée dans mon quartier de la Coupiane, à côté de Toulon !  Je pense qu’on est la preuve que le rêve est possible. Ce chemin n’était pas tracé pour moi et pourtant, on l’a fait. Et on continue de le faire aujourd’hui parce que l’aventure se poursuit…

L’épidémie de COVID est passée par là, qui a obligé beaucoup, si ce n’est tous les clubs, à fermer. Quel impact cela a-t-il eu sur vous ?

Ça a été une période particulièrement dure. On a fermé et je me suis retrouvé porte-parole d’une profession, de gens désespérés derrière moi qui me disaient : « Jean-Roch, toi, tu connais tout le monde, tout le monde te connaît. Si tu peux, parle de nous dans les médias, parle de nous au gouvernement, parle de nous dans les milieux où on peut faire avancer notre cause ». C’est ce que j'ai essayé de faire humblement et ça a plutôt bien marché puisque nous avons obtenu la réouverture de nos clubs. Ce rôle de porte-parole, je ne l’ai pas voulu. J’ai senti simplement un véritable désarroi de toute une profession et j’ai été ravi de rendre à la nuit une partie de ce qu'elle m’avait donné.

Comment avez-vous rebondi ?

L’être humain a cette faculté extraordinaire de pouvoir se réinventer, se reparamétrer, quels que soient les obstacles. C’est grâce à cette épreuve qu’à Saint-Tropez, en lieu et place de notre ancien restaurant, l’Hysteria, on a créé les Halles de Saint-Tropez, qui est aujourd’hui pour moi un lieu de vie incroyable. C’est un endroit où tout le monde se croise, les gens du village, les rocks stars, les célébrités et en même temps les gens de tous les jours. On a aussi pu créer Gioia et OPA, le premier restaurant grec de l’histoire de Saint-Tropez, au premier étage du VIP Room.

Votre histoire, c’est donc l’histoire d’une réinvention permanente ?

On l’a toujours fait de se remettre en question. Aujourd’hui, plus que jamais, il faut tenir compte du fait que les codes, l’époque ont changé, et que les gens ont besoin d’autres choses. La fête est aujourd’hui hybride et les restaurants ont pris une part prépondérante. OPA est par exemple pour moi un des lieux les plus aboutis de cette planète. Je ne dis pas ça parce que je collabore avec ce groupe, mais simplement parce que la fête que j’ai rencontrée à OPA, ce mariage à la grecque où le miracle se reproduit chaque soir par la culture de l’assiette, mais aussi des chants et des danses grecques, est phénoménale. Mais par ailleurs, même si aujourd'hui beaucoup de clubs ont disparu, nombreux sont ceux qui sont restés. Ceux qui avaient une forte côte de popularité, de sensibilité, de nostalgie et sûrement d’amour pour leur public sont toujours vivants, comme le VIP Room.

Quatre ans après l’épidémie, le monde de la nuit est donc bel et bien revenu sur le devant de la scène ?

La nuit s’est réinventée sous différentes formes, mais la night life existe toujours, oui. Elle est plus intimiste, il y a moins de clubs, mais peut-être que les clubs aujourd’hui ont la chance d’avoir pu se transformer, apportant encore plus de prestations et de force qu’ils n’en ont jamais eue avant.

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