Nine est une des figures de Vauban. Une personnalité toujours tirée à quatre épingles, impeccablement coiffée, que l’on voit régulièrement à l’arrêt de bus du 49, en route pour le Vieux-Port où elle « descend » déjeuner à la brasserie de l’OM. En spectatrice impavide, Nine raconte l’évolution de son quartier et s’amuse de la nouvelle physionomie que prend « son » Vauban, jadis si mal aimé. « Dans les années 1950, il y avait des bandes de jeunes d’ici qui allaient se cogner avec les bandes de la Plaine. Entre nous et La Plaine c’était la guerre », se souvient Nine. C’était l’époque où il y avait un cinéma et un bowling boulevard Notre-Dame (qui a fermé à l’orée de la décennie 1990). Une maison du Peuple jouait de rivalité avec le patronage : c’était Peppone et Don Camillo sur la colline. Une ville dans la ville. A l’époque, personne ne voulait « monter » à Vauban. On se souvient que nombre d’habitants du 6e arrondissement, dont ceux de la rue Paradis et de Puget, snobaient ces maisonnettes populaires et les ruelles étroites dans lesquelles s’engouffrait le mistral. Les mêmes étaient contraints de se rendre à la Poste Lacédémone, beau bâtiment d’architecture 1960, démoli depuis, pour y récupérer des colis et de l’argent, les distributeurs automatiques de billets n’ayant pas encore colonisé la ville. Les rues grimpent raides à Notre-Dame, ça en a dissuadé plus d’un ! Tout a changé avec l’installation d’un supermarché en lieu et place du bowling. Le marchand de journaux de la place Valère-Bernard a laissé place à un magasin de surgelés, un bar à poussettes puis une librairie. Le 13 janvier 2015 l’ouverture de la pizzéria la Bonne Mère et, 2 ans plus tard, d’une boutique Emkipop ont remis le quartier sous les feux de la rampe. Dans la foulée, Jean-Charles et Victor relookaient le bar-tabac, rebaptisé Maison Vauban. Riche d’un Monoprix, de quelques boutiques et, surtout, moult restaurants, Vauban est devenu une République indépendante. Les scooters, vélos et voitures ont gommé la déclivité du terrain. Le quartier se voit affublé du sobriquet de Boboland ou de Vauban-sur-Seine par ceux des autres villages. Car il n’y a pas de quartiers à Marseille, que des villages. Ville Clochemerle.
